Code Publié le 28 juin 2023

Les limites de l’écoconception web

L'écoconception web est devenue un enjeu majeur dans la préservation de l'environnement, mais malgré ses avantages indéniables, cette pratique n'est pas sans limites ni défauts. Notamment en termes de créativité limitée et de greenwashing.

Les limites de l’écoconception web

L'écoconception web est indéniablement un enjeu crucial pour la préservation de l'environnement, comme le démontrent les chiffres présentés dans notre premier article sur le sujet. Cependant, il est vrai que certains aspects peuvent sembler limiter la créativité des acteurs de la conception web et leur capacité à proposer des expériences utilisateur engageantes. Pour cette raison, il est essentiel de trouver un juste équilibre entre écoconception et créativité de conception afin d'offrir une expérience utilisateur optimale tout en limitant l'impact environnemental de votre site web. Il est possible de faire des choix écologiques tout en proposant des designs attractifs et innovants. De plus, il est important de rester vigilant face au greenwashing, qui nuit à la crédibilité des actions entreprises pour limiter les impacts environnementaux du web sur notre planète. En adoptant une démarche d'écoconception web honnête et transparente, vous pouvez contribuer activement à la transition vers un web plus durable.

#1 Faut-il faire une croix sur le design ?

L'un des défis majeurs de l'écoconception web est de concilier les objectifs environnementaux avec ceux de l'expérience utilisateur (UX) et de l'interface utilisateur (UI). En effet, certaines pratiques d'écoconception peuvent entraîner des compromis qui peuvent affecter négativement l'UX et l'UI. Par exemple, la suppression des animations ou la réduction des images peuvent améliorer l'efficacité énergétique, mais peuvent également rendre le site moins attractif pour les utilisateurs. Si l'on applique les recommandations d'écoconception de manière trop stricte, cela pourrait donner un rendu minimaliste qui nuirait à l'expérience utilisateur et diminuerait le nombre de visiteurs du site.

Wordpress, grâce à son immense communauté, a été choisi pour recevoir un thème à rendement maximum. Ce thème est un équilibre parfait entre sobriété numérique et performance. Un thème “super-lightweight” ne pesant que 6KB, appelé Susty (lien vers gitHub). Créé il y a 6 ans, il est 400 fois moins gourmand que le poids médian d’un site (environ 2MB selon httparchive).

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Évidement Susty a été confectionné dans le but ultime de minimiser le poids d’un site web. En misant sur l’épuration et une UX simplifiée, pour minimiser la consommation, l’UI peut être partiellement (ou totalement) sacrifiée.

#2 Écarts des outils de mesures

Pour l’exemple nous souhaitons mesurer la quantité de CO2 émise lors d’une visite du site de la sbb. Nous allons utiliser plusieurs outils disponibles pour effectuer cette mesure, et voir si les résultats coïncident.

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websitecarbon
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app.greenframe.io
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ecograder.com

Plusieurs outils, plusieurs résultats, pourtant nous avons testé avec une seule et même page web. La mesure de la consommation énergétique d'un site peut être complexe et peut varier en fonction de nombreux facteurs, tels que :

  1. Différentes méthodes de mesure : les outils peuvent utiliser des méthodes de mesure différentes pour calculer la consommation énergétique d'un site, ce qui peut entraîner des résultats différents.
  2. Différents environnements de test : tester les outils dans divers environnements - tels que sur différents types d'appareils, de réseaux, avec différents opérateurs ou hébergeurs - ce qui peut conduire à une variation des résultats.
  3. Différents algorithmes : les outils peuvent utiliser des algorithmes différents pour analyser les données de consommation énergétique.
  4. Différents types de données : certains outils peuvent se concentrer sur des aspects spécifiques de la consommation énergétique, tandis que d'autres peuvent analyser des données plus complètes.

En somme, il est donc préférable d'utiliser plusieurs outils pour avoir une vision globale de la consommation énergétique d'un site.

#3 Hypocrisie de la compensation carbone, aka le “Greenwashing”

Une analyse de Sami Labat Tahri (Consultant chez Carbone 4) résume très bien la problématique de la compensation. Bien que la solution parte d'un bon sentiment, beaucoup utilisent la compensation carbone comme une forme de greenwashing.

S’afficher “net zéro” grâce à une politique de “compensation”, c’est se désolidariser de l’objectif commun de réduction en absolu des émissions planétaires. Sami Labat Tahri

Le fait d'afficher net zéro en se basant sur une politique de "compensation" ne correspond pas à l'objectif commun de réduction drastique des émissions mondiales. Selon les Accords de Paris, il est prévu de réduire les émissions de 70% à 85% d'ici 2050 par rapport à 1990. Cependant, la compensation carbone n'est pas une solution suffisante pour atteindre cet objectif. Et ce pour plusieurs raisons :

  • Planter des arbres ou financer la reforestation ne peut pas compenser les émissions . Les arbres ont besoin de temps pour pousser et peuvent mourir ou brûler avant même d'être efficaces. Ou encore, ils ne capturent pas tous les types de Gaz à effet de serre.
  • L'achat de "garanties d'origine renouvelables" ne peut pas “décarboniser” (éliminer ou réduire les émissions de carbone et d'autres gaz à effet de serre) l'électricité, car cela néglige les émissions liées à la production des machines. En outre, ces solutions sont limitées, car il n'y a pas assez de renouvelables pour compenser les émissions de toutes les entreprises.
  • Ignorer les émissions indirectes revient à omettre une grande partie des émissions.

C'est pourquoi les termes neutralité carbone ou net zéro ne doivent être utilisés qu'à titre d'objectif mondial ou national d'équilibre entre émissions et absorptions.

Le problème de “planter des arbres”

Planter des arbres peut être contre-productif. Une étude publiée dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment en 2021 a démontré que l'afforestation dans des zones dénuées de couvert forestier pourrait libérer des réserves de carbone. Qui plus est, planter la même essence d’arbres nuit à la biodiversité, ce qui n’est heureusement pas un cas général.

Combien de carbone est stocké dans un arbre ?

C’est ce que youmatter à calculé (en fourchette haute) :

Un eucalyptus de 12-15 ans (8 mètres de haut, 40cm de diamètre) pèse environ 700 kg (soit 840 kg en comptant les racines). 65% de cette masse est sèche, soit environ 550 kg. La moitié est constituée de carbone soit 225 kg. Pour obtenir cette masse, l’arbre a du stocker tout au long de sa vie environ 800 kg de CO2. Cela veut dire que chaque année de sa vie il aura stocké environ 50-60 kg de CO2.

En prenant pour exemple un seul type d’arbre, et sans prendre en compte certains facteurs tels que :

  • Le taux de survie de l’arbre,
  • L’âge de l’arbre en lui-même qui n’absorbe pas la même quantité tout au long de sa vie.

#4 Limitations technologiques

Certaines technologies web, toujours très gourmandes en énergie, ne sont pas encore optimisées pour réduire l’empreinte environnementale.

JavaScript est indéniablement très à la mode dans le développement web. Cependant, malgré sa popularité, JS peut-être néfastes pour l'environnement en raison de sa consommation énergétique élevée. Lorsqu'un navigateur exécute du code JS, il doit effectuer une multitude de calculs et de rendu graphique qui consomment beaucoup d'énergie. Pourtant, son utilisation ne cesse de croitre.

Pourquoi ? Des alternatives sont-elles possibles ? Quel langage est le moins gourmand ?

Une équipe de six chercheurs portugais a décidé d'étudier cette question et a publié un article intitulé "Energy Efficiency Across Programming Languages". Ils ont fait tourner les solutions à 10 problèmes de programmation écrits dans 27 langages différents, tout en surveillant attentivement la quantité d'électricité utilisée par chacune d'elles, ainsi que sa vitesse et l’utilisation de la mémoire.

Dans cette étude on constate que le "meilleur" langage dépend des critères d’utilisation.

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Ce benchmark consiste à manipuler des chaînes de caractères à l'aide d'expressions régulières. On constate que les langages TypeScript, JavaScript et PHP figurent parmi les cinq meilleurs. Ils semblent être un choix économe en énergie. Toutefois, ils ont tendance à être très peu efficaces dans d'autres scénarios.

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Ce benchmark parcourt et édite les attributs de nombreux arbres binaires. Contrairement au premier benchmark, PHP est l'un des pires langages en termes de consommation énergétique.

On constate également que Perl, malgré sa rapidité, consomme énormément d'énergie. Cela démontre que : non, un langage plus rapide n'est pas toujours le plus efficace sur le plan énergétique.

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Ce benchmark indexe l’accès à une séquence de petits nombre entier (”indexed access to tiny integer sequence”). On voit que TypeScript est nettement moins performant que JavaScript, autant sur le plan écologique que sur la vitesse d’execution.

 

En conclusion, l'écoconception web est un enjeu crucial pour préserver l'environnement, mais elle présente également des limites. Il est essentiel de trouver un équilibre entre écoconception et créativité de conception pour offrir une expérience utilisateur optimale tout en réduisant l'impact environnemental. Il est également important de rester vigilant face au greenwashing, qui peut compromettre la crédibilité des actions écologiques entreprises. En adoptant une approche transparente et honnête de l'écoconception web, chacun peut contribuer activement à la transition vers un web plus durable.

Rémi L.

Ingénieur Logiciel · Web

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